De l’espoir pour la planète : Le rôle de la conservation et de l’intendance dirigées par les Autochtones

Gardiens côtiers Nuxalk, en Colombie-Britannique. Mention de source : ’Qátuw̓as Brown

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Par Valérie Courtois

17 novembre 2022

Quelques semaines après la fin des négociations sur le climat en Égypte, la communauté internationale se réunira à Montréal pour discuter, comme elle le fait une fois par décennie, des façons de préserver la biodiversité mondiale – les animaux, les plantes, les récoltes alimentaires, l’eau potable, l’air pur et les autres systèmes naturels dont nous dépendons tous.

C’est parfois difficile de demeurer optimiste face aux rapports scientifiques alarmants et aux querelles politiques. Mais je sais qu’il y a des raisons d’espérer. Si les forces à l’origine de la destruction de la nature sont complexes, la perte de biodiversité est quant à elle un problème que nous pouvons résoudre. Les peuples autochtones y travaillent déjà.

Quatre-vingts pour cent de la biodiversité qui subsiste dans le monde se trouve sur des terres et dans des eaux gérées et aimées par les peuples autochtones. Il a été démontré que les territoires gérés par les peuples autochtones sont en meilleure santé et que les animaux et les plantes y sont plus abondants qu’ailleurs.

C’est également le cas ici, sur ce territoire qu’on appelle aujourd’hui le Canada, et les nations autochtones travaillent très fort pour que cela dure. Les nations autochtones sont à l’origine des initiatives les plus ambitieuses en matière de protection des terres et des eaux au pays. En fait, selon notre expérience, lorsque les nations autochtones ont un véritable pouvoir décisionnel quant à l’utilisation des terres, elles choisissent de protéger plus de 60 % de leurs territoires, en moyenne.

Gardiens K’asho Got’ıne travaillant dans l’aire protégée territoriale autochtone de Ts’udé Nilįné Tuyeta, dans les Territoires du Nord-Ouest. Mention de source : Gardiens K’asho Got’ıne

Le reste du monde commence à nourrir des ambitions similaires. Le Canada et plus de 100 pays se sont engagés à protéger 30 % des terres et des eaux d’ici 2030, indépendamment de ce que contiendra le nouveau Cadre mondial pour la biodiversité. C’est un début, mais ces pays doivent en faire plus pour la santé de la planète. En soutenant la conservation et l’intendance dirigées par les Autochtones et en remédiant au problème de sous-financement, le Canada et d’autres pays peuvent véritablement protéger la biodiversité et créer un avenir plus équitable, où les peuples autochtones retrouveront leur rôle légitime d’intendants et de décideurs concernant leurs terres et leurs eaux.

Car les peuples autochtones ne veillent pas sur les terres et les eaux que pour leurs propres intérêts. Ils le font parce que le Créateur leur a confié la responsabilité de prendre soin de ces endroits dans l’intérêt de tous. Ils savent que si nous prenons soin de la terre, la terre prendra soin — de nous tous et toutes.

Le mouvement prend de l’ampleur

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les nations autochtones sont à l’origine de près de 90 % des aires protégées qui ont vu le jour au Canada au cours des deux dernières décennies. Aujourd’hui, des dizaines de nouvelles aires protégées et de conservation autochtones sont à l’étude. Le nombre de programmes des gardiens autochtones a quadruplé au cours des cinq dernières années. Plus de 120 programmes de Gardiens permettent de protéger les étendues de terre et d’eau dans tout le pays.

Mais la puissance de la conservation et de l’intendance dirigées par les Autochtones va bien au-delà des chiffres. Dans le cadre de mon travail, j’ai eu le privilège de visiter de nombreux territoires autochtones, et la formidable énergie qui émane du territoire et de nos communautés est une source constante d’inspiration. Je discute avec des dirigeants qui créent de nouvelles aires protégées et de conservation autochtones, dont certaines ont la taille de la Suisse ou du Costa Rica. Je vois des Aînés partager leur savoir et leur langue avec les jeunes. J’écoute les jeunes raconter que leur expérience comme gardien les a aidés à se sortir de leur dépendance et à être fiers de leur identité. J’apprends que des nations créent de bons emplois qui dépendent de terres et d’eaux saines.

Tout cela s’ajoute à un mouvement de transformation. Pour les personnes et pour la terre.

Aire protégée et de conservation autochtone des Dénés K'éh Kusān actuellement à l’étude et située dans le nord de la Colombie-Britannique. Mention de source : Jordan Melograna et Dena Kayeh Institute

Une reconnaissance croissante

On reconnaît de plus en plus le succès de la conservation dirigée par les Autochtones. Le gouvernement du Canada reconnaît que les partenariats avec les peuples autochtones sont essentiels à sa stratégie visant à protéger 30 % des terres et des eaux d’ici 2030. Le premier ministre Trudeau s’est prononcé à plusieurs reprises à ce sujet, notamment en septembre lorsqu’il a déclaré : « À défaut d’assurer la participation des peuples autochtones à chaque étape de notre action pour la protection du climat et de la biodiversité, nous n’y arriverons tout simplement pas ».

Le gouvernement a par ailleurs commencé à soutenir les programmes des APCA et des gardiens, comme en témoigne un financement de 340 millions de dollars annoncé en 2021 en appui aux programmes des APCA et des gardiens. C’est un bon début, mais il est possible d’aller beaucoup plus loin à l’aide d’un financement à long terme et d’outils de financement novateurs, comme le projet Financement pour la permanence.

Il est temps d’honorer le leadership autochtone

Lorsque les membres de la communauté internationale se réuniront à Montréal, ils constateront que les efforts visant à soutenir la biodiversité – et des communautés en santé – sont déjà en marche, et tous constateront que les nations autochtones ouvrent la voie. À la COP15, nous espérons être témoins de plus d’ambition, de créativité et d’une plus grande reconnaissance envers les peuples autochtones qui travaillent dur pour faire en sorte que nous puissions continuer de vivre sur la planète Terre.

Parce que nous savons, comme peuples autochtones – comme je le sais en tant que femme Ilnuiskueu ou Innue – que notre survie dépend de la santé de nos territoires. Je suis une partie de ma terre natale, et cette terre est une partie de moi. Ce que nous lui faisons, nous le faisons à nous-mêmes. Voici les valeurs que nous offrent les peuples autochtones. Ce sont les valeurs qui rendront le Canada et le monde plus forts.

Le monde a besoin des peuples autochtones, et nous sommes prêts à montrer la voie.

Une partie de la harde de caribous de la rivière George nage près du Mushuau-Nipi. Mention de source : Valérie Courtois

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