Les peuples autochtones en première ligne des impacts et des solutions climatiques

Photo: Pat Kane

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Par Ethel Blondin-Andrew

Mon peuple m'a donné ce dont j'avais besoin pour survivre dans ce monde. Mes parents m'ont élevée sur le territoire. Nous nous déplacions en traîneau à chiens, en bateau et à pied. Mes parents m'ont appris à aimer et à respecter la terre, les animaux et les gens. Ma grand-mère m'a fait don de la langue dénée et de la cérémonie qui consiste à rendre à la terre ce que nous lui avons pris. C’est une partie importante de mon identité, et de ce que je fais en tant que Dénée Shúhtagot'ine. Je ne suis pas seule.

Bien qu'il existe une incroyable diversité parmi les peuples autochtones, nous partageons un point commun qui fait notre force : nous plaçons notre interrelation avec la terre et l'eau au centre de notre existence. Nous comprenons la primauté de notre dépendance envers de la terre. Et nous y pensons chaque fois que nous agissons.

Cette vision du monde doit être au cœur des négociations internationales de Glasgow sur le climat.

Les communautés autochtones ne sont pas les seules à subir les conséquences des changements climatiques, notamment les incendies de forêt dévastateurs et les vagues de chaleur mortelles. Cela dit, notre relation avec le territoire peut aider le monde à retrouver l'équilibre au milieu du chaos climatique.

C’est démontré : l’intendance autochtone permet de réduire les émissions de carbone grâce à la préservation des terres et des eaux dont nous dépendons tous. Cela est particulièrement vrai au Canada, où les aires protégées et de conservation autochtones et les programmes des gardiens autochtones constituent l’approche la plus prometteuse pour lutter contre les changements climatiques et la perte de biodiversité.

Le Canada s'est fixé comme objectif d'être un leader mondial en matière d'action climatique et de protection de la biodiversité. La reconnaissance et le soutien apportés à la conservation dirigée par les Autochtones garantiront le respect de ces engagements.

Les territoires du Nord se transforment

Pour nous qui vivons dans notre environnement dans la région du Sahtu, les effets des changements climatiques sont inéluctables. Nous vivons avec les animaux, les eaux et les terres, et nous sommes sensibles aux changements climatiques.

Les conditions météorologiques sont devenues imprévisibles: il fait une chaleur écrasante à un moment de la journée, et très froid l’instant d’après. Nos caribous de montagne étaient autrefois abondants. Au lieu d’être tendre et humide comme avant, le lichen qu’ils adorent et dont ils dépendent pour se nourrir est maintenant cassant et sec. Les caribous aiment se rassembler autour des glaciers, mais beaucoup d'entre eux se sont évaporés, ce qui réduit le ruissellement et expose les caribous à une chaleur trop élevée.

Photo: Peter Mather

Les rivières se réchauffent, mais les poissons ont besoin d'eaux froides. Si l'eau est trop chaude au moment où ils doivent frayer, l’espèce connait un déclin. Et les gens ont plus de mal à se déplacer en bateau parce que les rivières deviennent trop peu profondes. Il est coûteux de se rendre sur le territoire si vous ne pouvez y accéder par bateau. Cela influe sur notre sécurité alimentaire et notre mode de vie traditionnel sur le territoire. 

Prendre soin de la terre et stocker le carbone en toute sécurité

Même si les peuples autochtones constatent de première main les effets des changements climatiques, la relation qu’ils entretiennent avec la nature qui les entoure leur permet de réparer et de préserver ces écosystèmes.

Je vis dans la forêt boréale, la plus grande forêt intacte de la planète. La forêt boréale contient également environ 12 % des réserves de carbone terrestres du monde. C'est l'équivalent de 36 années d'émissions de carbone provenant des combustibles fossiles mondiaux.

Les nations autochtones de la région boréale protègent les territoires qui stockent ce carbone et en prennent soin, l’empêchant ainsi de s'échapper et d'aggraver les changements climatiques. Les territoires entourant la baie d'Hudson, par exemple, comptent parmi les puits de carbone les plus denses de la forêt. À l'ouest de la baie, l’aire protégée autochtone candidate du bassin versant de la rivière Seal, dans le nord du Manitoba, contient 1,7 milliard de tonnes de carbone— soit l'équivalent de 8 années d’émissions totales de gaz à effet de serre au Canada.

Ce n'est là qu'une seule des douzaines d'initiatives dirigées par des Autochtones issues du territoire. Pendant ce temps, plus de 70 programmes de gardiens autochtones constituent les yeux et les oreilles des nations sur le territoire. Ces gardiens surveillent les changements sur le terrain, et leurs recherches éclairent les politiques gouvernementales et rendent les communautés plus résilientes.

La conservation dirigée par les Autochtones offre une solution très prometteuse pour le climat. Et la recherche le démontre : l’intendance judicieuse des terres peut contribuer à un tiers des réductions d'émissions nécessaires au respect de l'Accord de Paris sur le climat.

Nous devons travailler ensemble

La voix des peuples autochtones au Canada et dans le monde entier doit être entendue à l’occasion de la COP26. Cependant, ils ne peuvent y arriver seuls. La lutte contre le changement climatique exige que tous les peuples et toutes les nations exercent leur leadership. Nous respirons tous le même air – la communauté mondiale doit en prendre conscience.

Et nous devons tous nous adapter et innover. Notre propre peuple s'adapte depuis des millénaires et l’adaptation est essentielle à la vie sur terre. Si nous voulons la survie de l’humanité, nous devons cesser de détruire la planète – celle-là même qui nous permet de vivre, de respirer, de voyager et d’être qui nous sommes, des humains.

Photo: Pat Kane

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